La caserne devenue le couvent des Clarisses

C’est en 1849 que Joseph Bezanson, industriel à Breuches, achète au Val-d’Ajol lors d’une vente aux enchères, l’usine des frères Cabasse. Les frères Cabasse qui venaient de Remiremont avaient construit le premier tissage industriel de la vallée de Combeauté vers 1822 après avoir racheté et transformé l’un des plus vieux moulins du centre racheté à la famille de Bonaveture Fleurot.  Les Cabasse comptent alors parmi les contribuables les plus imposés de l’arrondissement de Remiremont avec une importante usine à Pouxeux.   

Mais en 1839, les bons frères Cabasse qui s’associent avec la société alsacienne Schlumberger et Steiner pour ouvrir une nouvelle usine à la Croix s’embarquent sans le savoir dans une aventure rocambolesque. En effet, le banquier spinalien qui promet de les aider à financer ce gros investissement est hélas un habile escroc. Dans le collimateur de la justice, Il est mis en faillite à l’instant même où les Cabasse lui confient la totalité de leur patrimoine à titre de garantie. Non seulement, les Cabasse ne percevront pas le moindre centime car le prêt n’a pas encore été débloqué mais leurs biens déposés en gage seront mis en vente par l’administrateur judiciaire du banquier véreux sans pouvoir faire opposition.  

Joseph Bezanson né à Gray en 1793 était un ancien capitaine de cuirassiers qui restera célibataire.  Il meurt à l’âge de 77ans en 1870, c’est-à-dire dans une période combien délicate. Mais ses activités dans le département voisin sont des plus prospères. Il a fait construire à Breuches un magnifique château qui n’enlève rien à sa réputation de patron très paternaliste. Lorsqu’il lègue ses affaires par testament à ses neveux il leur dira : « vous serez à la tête d’une belle fortune mais je vous crois assez sensés pour ne pas compromettre par de folles dépenses exagérées une si belle position ».

Donc son usine du Val-d’Ajol sera essentiellement dirigée par ses neveux Paul et Charles. En 1930, les Bezanson possèdent au Val quasiment tout le bâti compris entre la place de l’église et la rivière la Combeauté auquel s’ajoutent d’autres immeubles plus éparses situés entre la rivière et la rue du Dévau dans lesquels seront logés de préférence des contremaîtres ou le veilleur de nuit, et parfois de simples ouvriers chefs de famille très dévoués.

En 1867, les Bezanson feront l’acquisition d’un vaste terrain agricole qui appartenait aux héritiers de l’ancienne ferme des Lemasson qui se trouvait dans le prolongement de leur joli patrimoine. Ils y construisent dès 1867 une première maison qui sera suivie en 1869 d’une imposante caserne conçue pour loger confortablement sur trois niveaux une vingtaine de familles. 

Mais hélas, se dessine à la fin des années 20 la pire des crises économiques. Les Bezanson en feront les frais comme beaucoup d’autres patrons. Dans l’étude des recensements des populations effectuées tous les 5 ans, rares sont les individus signalés comme chômeurs sauf entre 1921 et 1936 période durant laquelle ils se multiplieront trop souvent, hélas.

Pour mettre leur usine de Breuches à l’abri de la tourmente, les Bezanson réorganisent toute leur industrie. Leur patrimoine du Val-d’Ajol sera petit à petit sacrifié. L’importante caserne qui n’a plus de raison d’être sera achetée vers 1936 par une bien curieuse société dénommée « société immobilière du Val » que personne ne connaît. Elle est en fait tout de même dirigée par la famille de Buyer.  La famille de Buyer n’en est pas à un coup d’essai. Elle avait déjà procédé de la même manière pour créer 20 ans plus tôt l’école Saint Charles à la barbe de la municipalité, certes, mais pas du curé qui était complice.

En fait cette fois, il s’agissait de créer dans la plus parfaite des discrétions un couvent pour les sœurs Clarisses. Un projet qui finalement fut très bien accueilli. Nombreuses furent en effet les demoiselles de bonne famille de la commune qui y trouvèrent refuge.

En 1934, le notaire Moutillard avait adressé par courrier au conseil d’administration de la Coop Agricole de la rue de la gare une offre dans laquelle il proposait des locaux encore disponibles ayant servi de tissage sur 3 étages. La Coop se trouvait en effet à l’étroit dans ses locaux de la rue de la gare. Mais une coopérative ouvrière qui deviendra les Coopérateurs de Lorraine existait déjà sur le site des Bezanson. Et les syndicats ouvriers étaient déjà passablement excités. Mieux valait la paix que la guerre. Les bâtiments de la rue de la gare furent tout simplement agrandis.  

Le élus du conseil municipal ont visité dernièrement le couvent des soeurs Clarisses racheté en 2011 par la commune, sous le mandat de M Jean Richard. Désirant connaître l’historique de cette bâtisse Daniel s’est attelé à la tâche….

Anciennes cartes postales, plus photos d’une visite du patrimoine communal en 2014.