Sous le titre « une rue tourmentée » un journaliste de 1933 témoigne qu’il ne manquait pas d’humour pour raconter l’histoire de la rue de la Brasserie lorsqu’elle deviendra la rue des Halles. Or, ces dernières semaines, à la surprise générale, la rue des Halles fut enjolivée d’un magnifique tapis.
« Une rue tourmentée, c’est bien notre pauvre rue de l’ancienne brasserie qui va devenir bientôt peut-être la rue des Halles, à moins que nos Édiles ne lui donnent le nom de quelque illustre personnage.
Et si l’une de nos rues n’eut porté déjà le nom du saint homme JOB, dont la bible nous apprit les alternatives de prospérité et d’adversité, ce nom lui eut convenu tout particulièrement.
Tout d’abord cette rue était celle de la fameuse brasserie du Val-d’Ajol dont la bière est finement appréciée dans tout le pays de France et même à l’étranger. C’était le temps de la prospérité. Puis le transfert de la brasserie au lieu où elle est actuellement (en 1933) fera l’admiration des visiteurs. Après quoi la place occupée par l’ancienne brasserie devint un terrain vague où les parents avaient quelques craintes de laisser jouer leurs enfants, les caves non fermées présentant de réels dangers pour les imprudents.
Pendant ce temps des fouilles étaient effectuées en vue de remédier aux défectuosités des conduites d’eau qui traversent la rue et celles-ci étaient secouées et remuées dans tous les sens. Ce fut le temps de l’adversité.
Et, pour comble, voici que des ouvriers, il y a de ceci quelques mois, vinrent entasser toutes sortes de matériaux sur cette pauvre rue, où toute circulation devint bien vite impossible, tandis qu’aux jours de pluie des flaques boueuses concouraient à lui donner l’aspect d’un lieu sinistre où un cataclysme aurait tout dévasté. Il semblerait que ce fut la fin de la rue martyre.
C’était l’ère de sa résurrection. Voici qu’en effet ces matériaux hétéroclites qui lui donnaient un air de paysage dévasté, se sont mués en un splendide bâtiment que l’on a baptisé du nom somptueux et populaire tout à la fois, de HALLES.
C’est là que nos ménagères pourront bientôt faire leur marché à l’abri des intempéries et des mauvais coups des baleines de parapluie, tandis que la rue des Halles deviendra l’une des rues les plus fréquentées et les mieux entretenues du Val-d’Ajol ».
La brasserie fut en effet installée au centre du bourg durant 3 ou 4 décennies après avoir quitté la grande rue. Sa mise en sommeil au début du siècle dernier, bien avant la guerre de 14/18, se fit progressivement, le temps d’installer sa remplaçante en périphérie de la ville, au bas de la route de Saint Bresson, sur un terrain beaucoup plus vaste. C’est là qu’elle terminera sa mission durant l’occupation après que les Allemands décidèrent de cesser la production. Le nom brasserie continuera tout de même de s’appliquer pour désigner ce qui ne sera plus qu’un dépôt de boissons avec tournées dans les communes environnantes.
Il se dit souvent que ce sont les Allemands qui furent la cause de la cessation. L’exacte vérité est pourtant différente. Car les Allemands donnèrent finalement un avis favorable pour une remise en production à la fin de la guerre, sauf que les membres du conseil d’administration, souvent des brasseurs concurrents, refusèrent que la brasserie du Val produise à nouveau une bière combien réputée.
Car l’ancienne brasserie, faute de trouver acquéreur, fut en effet laissée à l’abandon durant plus de 20 ans. Or, durant la construction de la nouvelle mairie qui était loin de faire l’unanimité, fut souvent suggéré par les opposants que la commune avait un besoin plus urgent de disposer d’un marché couvert ou d’une salle des fêtes.
Enfin pour le clin d’œil sur la rue Job, actuelle rue de la côte d’Agnal, le terrain nécessaire fut en partie cédé à la commune par un dénommé Job Durupt qui n’avait pas d’héritier à condition que la population se souvienne de son nom.
Enfin sur l’encombrement de la rue qui va lui donner un air sinistre : divers immeubles qui encombraient jusque-là la ville furent démolis et l’avenue de la gare fit l’objet d’un réalignement complet. L’ancienne rue de la brasserie fut alors l’occasion de mettre en dépôt des matériaux pouvant encore servir.
Bon à savoir pour les plus jeunes : c’est le supermarché « Marché U » qui occupe aujourd’hui le site de l’ancienne brasserie, du moins une partie. Sur de vieilles cartes postales on peut encore distinguer la grande cheminée qui se dressait à cet endroit.