Si les mines ont été exploitées au Val-d’Ajol dès 1936, c’est sans aucun doute le fait d’un surprenant hasard.
En effet lorsqu’en 1891, Constant Romary qui rentre d’Indochine où il a effectué son service militaire, découvre que le terrain autour de la ferme familiale des Œuvres pourrait contenir du charbon. Des schistes noirs trouvés en abondance le conduisent en effet à creuser une première tranchée.
Les industriels de la commune qui se font livrer à grands frais du charbon par wagons décident de soutenir les recherches de Romary en lui accordant un crédit de 100.00F, somme considérable pour l’époque.
L’affaire fait beaucoup de bruit dans la contrée et les fonds seront vite épuisés et un expert jugera que le combustible était de très mauvaise qualité pour être exploité. Le filon des Œuvres fut vite abandonné mais Romary ne put s’empêcher de faire de nouvelles recherches sur toute l’étendue de la commune en portant un intérêt grandissant pour divers minerais. Or, le jeune Albert Lebrun que personne n’imagine un jour prendre le pouvoir comme président de la république effectue un séjour privé à Plombières. Sans doute s’intéresse-t-il à ses eaux chaudes souvent étudiés par des experts renommés, car Lebrun vient tout juste de décrocher avec brio son diplôme d’ingénieur, se classant 1er de sa promotion à l’école des Mines, aussi les découvertes de Romary l’interpellent, il décide donc de rendre visite à ce curieux personnage dans sa modeste ferme aux Œuvres.
De 1914 à 1918, Constant Romary fut mobilisé. La guerre terminée il s’installera à Courupt avec son fils René et les recherches vont s’intensifier. Aux Mousses, les Romary père et fils vont découvrir plusieurs minerais : du fer, du manganèse et du cobalt…les deux chercheurs intéressent une première société qui est allemande mais le marché proposé et les méthodes exploitation ne conviennent pas aux Ajolais qui laissent tomber.
Dans les années trente la presse locale fait souvent étalage de l’extraordinaire passion des Romary père et fils. On peut supposer que diverses publications professionnelles prendront le relais pour parler des intéressants filons pouvant exister dans le sous-sol du Val-d’Ajol.
C’est alors que les Romary seront contactés vers 1933 par l’ingénieur des mines Herbinger, un homme très actif sur la Côte d’Azur et l’Esterel.
Nous sommes alors dans la période où Albert Lebrun succéde au président Paul Doumer qui vient de se faire assassiner. Herbinger et le nouveau président de la république se connaissent puisque tous les deux sont ingénieurs des Mines. Lebrun se rappelle alors de la visite qu’il a faite en privé au Val-d’Ajol avant de se consacrer à la politique. Herbinger qui est reconnu comme un excellent professionnel spécialisé dans l’exploitation des minerais précieux (le platine, l’or, la fluorine) dépose en mairie une première demande de concession. Un important filon de baryte et de spat fluor sera alors découvert dans la vallée des Roches, puis aux Mousses, avec des prolongements en direction du Sud-est.
On peut s’imaginer que sans le zèle de divers correspondants de presse, la mine du Bas-d’Hérival n’aurait peut-être jamais vu le jour.
Hélas, son passé devient très confus car la plupart des anciens mineurs et autres ouvriers de la mine n’étant plus de ce monde, les témoignages se font rares.
Exemple : personne pour se souvenir si la mine a fonctionné durant la guerre de 1939 à 1945. Ce qui paraît d’ailleurs impossible car son patron, sous le pseudo de colonel Bressac, avait fondé dès 1940 au sein de la France Libre un important réseau de renseignements appelé Mithridate composé de plus de 1600 agents. Il fut plusieurs fois arrêté, et même condamné à mort pour ensuite parvenir à s’évader.
Mais ce glorieux passé fut semble-t-il totalement ignoré des Ajolais.
Extrait des archives de Daniel Gury.